« L’amour véritable n’est pas soumis à conditions »
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai toujours été dérangée par les injonctions du genre « Aller ! Pour me faire plaisir ! »
Si je comprends bien, même si je n’ai pas envie de faire une tâche, je dois la faire, pour le plaisir d’un autre qui compte à mes yeux ?
Va-t-on m’aimer encore si je refuse ? Ça fait de moi quelqu’un de méchant ? Du coup cette personne sera malheureuse ? Par ma faute ?
Et cette culpabilité, fait-elle partie de moi ou est-elle fournie en cadeau bonus avec la question ?
Imaginez bien que les questions que je me pose ici, se poseront également dans l’esprit d’un enfant et le mettront dans un inconfort et un état de confusion émotionnelle tout à fait similaire.
Lorsqu’on sait que ce qui anime un enfant est la reconnaissance et l’approbation de l’adulte, c’est jouer un jeu dangereux que de conditionner son affection et son temps à nos besoins de contrôle et la satisfaction de nos attentes personnelles.
Alors pourquoi nous entêtons-nous à chercher le contrôle sur les faits et gestes de nos petites Pousses ?
Pour respecter un planning ?
Pour enseigner une règle ?
Pour nous faciliter la vie ?
Mais introduire le doute, la peur sournoise que l’amour est sujet à conditions « je t’aime mais seulement si tu fais ce que je désire » cela pose un réel problème.
Malgré nos bonnes intentions de parents, la formule punitions/récompenses n’est pas idéale. C’est pas moi qui le dit, ce sont les neurosciences !
Mais du coup qu’est-ce que je fais de mal en fait ?
Nos Petites Pousses sont en plein apprentissage intellectuel, social et affectif. Leur estime et leur confiance en eux sont en développement. Ils apprennent de nous, de ceux qui les entourent, ceux qui les accompagnent.
Chaque rencontre contribue à modifier le cerveau de façon positive ou négative. Leur cerveau est doté d’une plasticité remarquable qui leur permet d’engranger un maximum d’informations en un minimum de temps.
Aujourd’hui, les neurosciences nous apportent un éclairage nouveau sur le fonctionnement du cerveau des enfants.
Cependant la seule connaissance des lois du développement de l’enfant ne nous met pas à l’abri de l’insatisfaction ni de la colère lorsque son comportement ne correspond pas à nos représentations idéales. Confronté à la réalité du quotidien, tout cela est plus compliqué, Je vous l’accorde !
Faute de mieux, on a recours au fameux « Chantage, punitions, récompenses ».
En 1748, Katharina Rutschky dans « La pédagogie noire » écrivait :
« Il faut dès le début, des lors que l’enfant est capable de comprendre quelque chose, leur montrer aussi bien par la parole que par les actes qu’ils doivent se soumettre à la volonté des parents. L’obéissance consiste à ce que les enfants …
1) fassent de bon gré ce qui leur est ordonné
2) renoncent à ce qu’il leur est interdit et …
3) s’estiment satisfait des prescriptions qui leur sont faites »
Je vous entends « Ah ouais, mais non ! Faut pas exagérer quand même ! »
Vraiment ?
Tout de suite, on s’imagine les grands remèdes à coups de ceinturon et de violences morales abominables mais si je vous dis :
– « Range ta chambre ou tu seras privé de télévision »
– « Finis ton assiette, il y a des enfants qui meurent de faim, ils aimeraient avoir ton repas et toi tu ne manges pas ton dîner ! »
N’est-ce pas une volonté d’obtenir au bout du compte ce que NOUS voulons ? Que NOS besoins soient satisfaits ? De contrôler l’enfant, pour son bien cela va sans dire, mais au détriment de ses sentiments, de ses émotions voire de ses besoins les plus élémentaires.
Catherine Gueguen, pédiatre et spécialiste du soutien à la parentalité, formée en haptonomie et en communication non violente, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet explique ainsi :
« Les punitions, c’est terrible pour le cerveau des petits c’est le contraire de ce qu’il faut faire. Des études récentes montrent que cela abîme la partie du cerveau qui nous rend pleinement humain ! (…) Cela s’apprend notamment par la Communication Non Violente (CNV). Un enfant mord par exemple, on ne le punit pas. On rappelle juste la règle « On ne mord pas ». Punir ça serait montrer que seuls les rapports de force permettent de régler les conflits »
De plus, si chaque demande de l’enfant reçoit comme réponse agressivité, rejet ou indifférence par son parent, si sa détresse reçoit du négatif assez rapidement il en déduira qu’il ne mérite ni affection, ni amour.
Catherine Gueguen de continuer : « Le punir, lui dire qu’il est méchant, c’est de la maltraitance émotionnelle, je voudrais ne plus entendre « t’es méchant, t’es vilain, t’es pas gentil ! ». Toutes les paroles dévalorisantes, la critique, la honte, le rejet, l’isolation… c’est trop fréquent »
En apparence anodines et banales, toutes ces phrases, aux répercussions dévastatrices pour l’estime et la confiance en soi, sont des petites bombes de violences ordinaires car elles induisent, culpabilité, manipulations, pression.
Ces pratiques, reconnues par l’Observatoire des Violence Educatives Ordinaires (OVEO) génèrent de nombreux troublent encore palpables à l’âge adulte.
Le regard que l’enfant portait sur lui jusqu’alors est altéré par la répétition de ce mécanisme. Il ancre durablement dans son esprit qu’il y a des conditions à l’amour. Cela modifie de façon durable la structure cérébrale et la perception qu’il a de lui-même.
En introduisant le chantage, les menaces :
– « Si tu ne te dépêches pas, je m’en vais sans toi »
– « Si tu veux un câlin, range tes jouets »
Les Petites Pousses penseront être aimées en fonction de ce qu’ils font ou ce qu’ils ne font pas mais certainement pas pour ce qu’ils sont.
Vous êtes un super-héros pour votre petite Pousse, un géant qui détient la science, la connaissance et la vérité (« si, mon père il l’a dit d’abord ! »).
A chaque question (ou presque) vous avez une réponse, alors évidemment quand LA référence en matière de vérité, de sécurité et de savoir dit quelque chose elle a forcément raison, vous ne croyez pas ?
Du coup quel message est envoyé à l’enfant quand il entend qu’il ne mérite pas ce jouet car il n’a pas été sage ou qu’il n’aura pas de câlin car il a mal parlé à son frère ?
Que l’amour est conditionné à un comportement, celui qu’on attend de lui …
Brrrrr ça fiche un petit coup de froid dans le dos quand on y pense en fait, j’ai pas envie que mon enfant pense ça moi !
Une étude sur la relation parent/enfant, menée sur des lycéens en 2004 et 2011 par deux chercheurs Avi Assor et Guy Roth en collaboration avec Edward Deci, lui-même grand spécialiste de la psychologie de la motivation, a démontré que de nombreux troubles pouvaient apparaître :
– Un grand sentiment d’insécurité affective
– Ressentiment envers le parent ou la figure d’autorité
– Angoisse
– Une incapacité à dire non
– Une intolérance à la différence (peur de l’inconnu, suspicion, méfiance des autres)
– Individualité difficile à construire
– Mensonge (par peur du jugement négatif), notamment à l’adolescence par peur de déplaire ou décevoir
– Dévalorisation…
La liste est longue et non exhaustive mais le plus désolant c’est Jacques Salomé qui l’exprime lors d’une interview donnée à Psychologie magazine de décembre 2012 :
« J’ai incontestablement été un enfant aimé, j’étais la prunelle des yeux de ma mère. Pourtant, la relation qu’elle entretenait avec moi, à base d’injonctions, de dévalorisations, de chantage ou de menaces, ne m’a pas permis d’inscrire de la confiance, de la bienveillance et de l’amour envers moi-même. Ainsi malgré l’amour de ma mère, je ne m’aimais pas ».
Nom d’un pépin de pamplemousse, mais que faire ?
Un adulte bienveillant favorise l’autonomie des enfants. Ils se sentent alors soutenus, accompagnés dans la découverte du monde. Ils sont libres de faire leurs expériences, de suivre leur chemin sans jugements, car un enfant aimé inconditionnellement sait qu’il lui suffit d’exister pour être aimé, indépendamment de son parcours et de ses choix.
Il est important aux yeux de ses parents et donc aux yeux du monde. Survient alors une paix intérieur héritée de cette sécurité.
Quand on sait tout le bénéfice d’un langage authentique fournissant les clés pour dépasser les difficultés, qu’un simple rappel à la règle, qu’une confiance sincère dans leur capacité à se dépasser et dans leur apprentissage suffisent à garantir l’acquisition fondamentale des compétences indispensables à un épanouissement personnel, ça vaut le coup de s’interroger 5 minutes sur nos pratiques et nos motivations, non ?
Mots-clés associés à l’article : amour conditionnel – estime de soi enfant – l’estime des enfants – amour enfance – éducation bienveillante
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